Henri Edmond Cross (1856-1910)
Étude pour Nocturne
Vers 1896
Plume, encre, lavis et mine graphite
10,5 x 15,5 cm
Étude pour le tableau conservé au Musée du Petit Palais, Genève
Ce dessin inédit sera inclus au catalogue raisonné en préparation par M. Patrick Offenstadt. (Avis n° 18.10 .22/786)
« Nocturne me fait rêver d’une toile élargie aux proportions d’une fresque dont les silhouettes des promeneuses et des arbres fixeraient les lignes sveltes et harmonieuses. La couleur tranquille, la paix bleuâtre qui teintent l’atmosphère, le geste de l’une des femmes incitent à l’apaisement doux et voilé, si bien que l’on croit voir en ces passantes les heures elles-mêmes (qui s’appellent, s’arrêtent et s’éloignent dans la nuit.). »
Émile Verhaeren, in L’Art Moderne, 17 mars 1901.
On retrouve dans Nocturne un fort rythme visuel très apprécié des Néo-impressionnistes, où le regard du spectateur est guidé d’un bout de la composition à l’autre. Dans cette vision d’une Arcadie méditerranéenne, le paysage est organisé en trois bandes horizontales, tandis que les contours des cyprès et les plis des robes féminines rythment à nouveau la composition de manière verticale.
Né à Douai en 1856, Henri-Edmond Cross s’installe à Paris où il expose dès 1881 au Salon des artistes français. En 1884, il participe à la fondation de la Société des artistes indépendants à laquelle il sera fidèle jusqu’à sa mort en 1910. Il rencontre alors Georges Seurat et les peintres qui se réuniront sous la bannière néo-impressionniste en 1886. Mais ce n’est qu’en 1891, l’année de la mort de Seurat, qu’il adopte la technique de la division des couleurs et se rallie au groupe des « néos ». C’est aussi en 1891 qu’il choisit de s’installer dans le Midi. Ses amis, Paul Signac, Maximilien Luce, Charles Angrand et Théo Van Rysselberghe lui adressent livres ou catalogues, s’occupent de ses envois aux expositions et le tiennent régulièrement informé des événements artistiques. Grand lecteur, sensible à la littérature, Cross échange avec eux une correspondance nourrie, qui éclaire ses intentions et l’évolution de son art. Il encourage Signac à s’installer à son tour dans le Midi et dès 1892, ils se voient régulièrement au cours de l’été. Ensemble, ils ne tarderont pas à faire évoluer la technique de Seurat vers le second néo-impressionnisme, privilégiant l’étude de la couleur à celle de la lumière. À partir de 1895, ils renoncent en effet progressivement à la technique du petit point et adoptent une touche plus large en usant de couleurs de plus en plus fortes, rehaussées encore par l’effet du contraste. Cross participe à toutes les manifestations néo-impressionnistes et ses premières expositions monographiques ont lieu en 1905 et 1907. Ses tableaux qui célèbrent l’harmonie de l’homme et de la nature expriment alors un vitalisme nietzschéen. Dans sa retraite de Saint-Clair, il reçoit les futurs fauves Henri Matisse et Henri Manguin dès 1904 et noue avec eux des liens d’amitié. À cette époque, il connaît un succès international et il est considéré, aux côtés de Paul Signac, comme l’un des pères de la modernité. Ses œuvres sont très demandées à l’étranger où il expose en Belgique, en Hollande, et surtout en Allemagne.